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Fiche pratique
Le droit d'auteur
L’artiste musicien
Le droit d'auteur français est le droit des créateurs. Le principe de la protection du droit d’auteur est posé par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».
L’ensemble de ces droits figure dans la première partie du code de la propriété intellectuelle qui codifie notamment les lois du 11 mars 1957, du 3 juillet 1985, du 1 er août 2006, du 12 juin 2009 et du 28 octobre 2009.
Dans sa décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a considéré que les droits de propriété intellectuelle, et notamment le droit d’auteur et les droits voisins, relèvent du droit propriété qui figure au nombre des droits de l’homme consacrés par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
L'auteur et son oeuvre
Aux côtés des œuvres relevant d'un auteur unique, le CPI distingue trois catégories particulières (L.113-2) :
L'œuvre de collaboration, à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques et qui est la propriété commune des co-auteurs (L.113-2).
L’exemple type de l’œuvre de collaboration est la chanson issue d'un travail de collaboration entre un compositeur et un parolier (exemple : Les Feuilles mortes, paroles de Jacques Prévert, musique de Joseph Kosma). C'est également le cas des opéras avec le compositeur et l'auteur du livret (exemple : Pelléas et Mélisande, livret de Maurice Maeterlinck, musique de Claude Debussy).
L'œuvre composite, dans laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière, est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante (L.113-4).
Ainsi, une œuvre est composite lorsqu’elle utilise des échantillons d’autres œuvres (pots-pourris, medleys, samples). L'adaptation – ou l'arrangement – relève également de cette catégorie, l'article L.112-3 reconnaissant à l'adaptateur et l'arrangeur la paternité de l'œuvre nouvelle.
L'œuvre collective « est créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et en son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. » Elle est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, et qui est investie des droits de l'auteur.
La protection de l'oeuvre : le droit moral
Le droit moral est l'une des spécificités du droit d'auteur en France - qui n'est certes pas le seul pays à l'appliquer. Aux États-Unis, le droit moral ne concerne que les auteurs d'œuvres d'art visuel.
Ce droit est perpétuel, inaliénable, imprescriptible et transmissible.
- Perpétuel : il demeure après le décès de l’auteur, même après l’extinction des droits patrimoniaux. Les ayants droit de l’auteur peuvent ainsi exercer ce droit, même si l’œuvre est tombée dans le domaine public.
- Inaliénable : aucune clause de renonciation ne peut figurer dans un contrat sous peine de nullité ; l’auteur ne peut renoncer à son droit moral ni en céder l’exercice à un tiers.
- Imprescriptible : il ne s'éteint pas avec le temps : tant que l’œuvre existe, qu’elle soit exploitée ou non, l’auteur et ses ayants droit peuvent exercer leur droit moral.
- Transmissible aux héritiers de l’auteur et son exercice peut être conféré à un tiers en vertu d’un testament.
Le droit moral se décline selon quatre principes : le droit à la paternité, le droit au respect de l'œuvre, le droit de divulgation, et le droit de retrait ou de repentir.
L’auteur peut exiger et revendiquer à tout moment la mention de son nom et de ses qualités sur tout mode de publication de son œuvre. En outre, tout utilisateur de l’œuvre a l'obligation d’indiquer le nom de l’auteur. Ce droit ne fait nullement obstacle à l’anonymat ou l’usage d’un pseudonyme.
Droit au respect de l'oeuvreL’auteur peut s’opposer à toute modification susceptible de dénaturer son œuvre. Ce devoir de respect de l’œuvre s’impose tant au cessionnaire des droits d’exploitation qu’au propriétaire du support matériel de l’œuvre.
Droit de divulgationL’auteur décide du moment et des conditions selon lesquelles il communiquera son œuvre au public (CPI, art. L. 121-2).
Droit de retrait ou de repentirL’auteur, nonobstant la cession de ses droits d’exploitation, peut faire cesser l’exploitation de son œuvre ou des droits cédés, à condition d’indemniser son cocontractant du préjudice causé (CPI, art. L. 121-4).
L'exploitation de l'oeuvre : le droit patrimonial
Les attributs et qualités conférées à l'œuvre par le droit moral doivent permettre à l'auteur de conserver la maîtrise de son utilisation dans l'exercice de l'exploitation de l'œuvre. Les différents points abordés dans le cadre du droit patrimonial ne peuvent se soustraire aux principes du droit moral.
Représentation et reproduction
Les articles du CPI concernant le droit patrimonial détaillent les conditions dans lesquelles l'auteur reçoit un bénéfice de l’exploitation de son œuvre, lors de sa représentation et sa reproduction.
Le droit de représentation consiste en la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque.
Le législateur mentionne d'une part la représentation publique dans un lieu public (spectacle vivant, projection, musique d'ambiance…) et d'autre part la représentation par télédiffusion.
Le téléchargement relève précisément du droit de représentation, puisque la transmission des œuvres numérisées d'un point à un autre correspond au concept de « télédiffusion ».
Avec le droit de reproduction, l’auteur a la faculté d’autoriser la fixation matérielle de son œuvre sur les supports et les procédés de son choix, notamment l'enregistrement, en vue d’une communication indirecte au public.
Les exceptions au droit patrimonial
Dans l'article L.122-5, sont énumérées les utilisations d'oeuvres ne donnant pas lieu à rémunération du compositeur. Parmi celles-ci :
- Les représentations privées et gratuites effectuées dans un cercle de famille.
- Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé.
- Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées. Attention : la courte citation musicale n'est pas reconnue comme telle.
- La représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à destination d'un public majoritairement composé d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés, sans aucune exploitation commerciale, et compensées par une rémunération négociée. Cette exception, ne s'applique pas aux œuvres réalisées à des fins pédagogiques, aux partitions de musique et aux œuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit.
- La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre.
Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur (le téléchargement illégal porte sans aucun doute atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre).
Cession de droits
Ce sujet est abordé dans l'article L.122-7 du CPI :« Le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux. La cession du droit de représentation n'emporte pas celle du droit de reproduction. La cession du droit de reproduction n'emporte pas celle du droit de représentation. Lorsqu'un contrat comporte cession totale de l'un des deux droits visés au présent article, la portée en est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat. »
Rappelons que les statuts de la Sacem disposent dans leurs articles 1 et 2 que les auteurs ou leurs ayants droit, du seul fait de leur adhésion à la Sacem, lui font « apport [...] du droit d'autoriser ou d'interdire l'exécution ou la représentation publique de ses œuvres, dès que créées » et du « droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction mécanique ». Ainsi, l'auteur cède ses droits de représentation et de reproduction à la Sacem.
La durée de protection de l'oeuvre
L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire.
Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit (les héritiers) pendant l'année civile en cours et les 70 années qui suivent. Dans le cas des œuvres de collaboration, la durée de protection s'achève 70 ans après le décès du dernier auteur.
À ce délai peuvent s'ajouter les prorogations des années de guerre (articles L.123-8 et 9), qui restent accordées pour les œuvres musicales, comme l'a confirmé un arrêt de la cour de cassation du 27 février 2007 (cf. fin du 3e paragraphe).
Il résulte de ces dispositions qu'un certain nombre d'œuvres majeures de la première moitié du XXe siècle sont encore loin d'être tombées dans le domaine public. Il s'agit là d'une spécificité du droit français : une même œuvre peut ainsi être protégée en France, mais libre de droits hors de nos frontières.
Le calcul des prorogations des années de guerre
Les prorogations des années de guerre sont des mesures prises à la suite des guerres de 1914-1918 et de 1939-1945 en faveur des héritiers et de leurs ayant droits afin de compenser le manque à gagner dû aux difficultés d'exploitation des œuvres occasionnées par ces guerres.
La première prorogation est d'une durée de 6 ans et 152 jours, la seconde d'une durée de 8 ans et 120 jours.
- les œuvres publiées avant le 31 décembre 1920 bénéficient de la première et de la seconde prorogation de guerre, ce qui porte leur protection à 70 ans + 14 ans et 272 jours
- les œuvres publiées entre le 1er janvier 1921 et le 31 décembre 1948 bénéficient de la seconde prorogation de guerre, d'une durée de 8 ans et 120 jours
- à ces prorogations peuvent s'ajouter 30 ans supplémentaires si l'auteur est mort pour la France (exemple : Jehan Alain, 1911-1940, mort au front).
Le délai se calcule à compter du 1er janvier de l'année civile suivant le décès de l'auteur. Une fois ce délai écoulé, l'œuvre tombe dans le domaine public dans sa forme originale, les arrangements et adaptations réalisés à partir de l'œuvre originale étant toujours susceptibles d'être protégés.
La rémunération de l'auteur
Les droits d'auteurs constituent le principal mode de rétribution de l'auteur, et le CPI précise les conditions dans lesquelles ces droits peuvent être versés. Il n'évoque d'aucune façon les autres systèmes de rémunération, qui passent par la commande d'œuvre et donnent lieu à un contrat spécifique.
Les contrats
- Le contrat de commande d'oeuvre
- Le contrat d'édition
- Le contrat de représentation
- Le contrat de production audiovisuelle
Tout un chacun peut commander une oeuvre originale en s'appuyant sur le guide pratique de la Sacem "Commander une oeuvre de musique contemporaine". On y trouve la charte de commande d'oeuvre, le détail des modalités, un modèle de contrat et des tarifs minimum de rémunération.
Le contrat d'édition permet à l'auteur d'une œuvre (ou à ses ayants droit) de céder à un éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser sous forme numérique. Autrement dit, l'auteur cède son droit de reproduction. En contrepartie, l'éditeur doit prendre à sa charge la publication et la diffusion de l'œuvre.
Le contrat de représentation permet à l'auteur de l'œuvre (ou à ses ayants droit) d'autoriser une personne à représenter cette œuvre dans les conditions qu'il détermine. Autrement dit, l'auteur cède son droit de représentation.
Le contrat de production audiovisuelle est un contrat conclu entre un ou plusieurs coauteurs et un producteur en vue de la réalisation et l'exploitation d'une œuvre audiovisuelle (film, documentaire, reportage, etc.).
Par coauteurs, il faut entendre l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales avec ou sans parole, etc.
La rémunération pour copie privée
La rémunération pour copie privée est une redevance prélevée sur les supports d'enregistrement tels que les disques durs, les clés USB, les cartes mémoires, les CD ou les DVD. Elle permet de soutenir financièrement les auteurs, producteurs et créateurs de films, de musiques, de spectacles, d’œuvres audiovisuelles, graphiques, photographiques ou écrites.
En France, 75 % des sommes collectées par Copie France vont directement aux auteurs, producteurs, artistes de la musique, de l’audiovisuel, du livre et de l’image fixe et 25% sont utilisés pour soutenir la création et la diffusion de projets artistiques.
Textes de références
- Code de la propriété intellectuelle
- Loi n°2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet
- Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet
- Arrêt de la cour de cassation n°280 du 27 février 2007 relatif à la durée de protection des droits d'auteur.
- Loi n°2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information
- Décision du conseil constitutionnel n°2006-540 DC du 27 juillet 2006. Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information
- Loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle
- Loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique
- Article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789
Mise à jour : octobre 2023
À voir aussi
Fiches pratiques
Les sociétés de perception et de répartition des droits
Les SPRD ont pour mission d'assurer la gestion des droits d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur : perception (auprès des utilisateurs) et répartition (auprès des associés : auteurs, artistes, producteurs).
Les aides des sociétés d'artistes auteurs
25 % des sommes collectées au titre de la copie privée sont affectés à des actions d'aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes représentant ainsi une part très importante du financement de la création française.
Les syndicats d'auteurs
SNAC - Syndicat national des auteurs et des compositeurs
Le Snac apporte une assistance juridique gratuite à ses adhérents et payante aux non adhérents. Il assure par ailleurs un service de dépôt des œuvres distinct de celui des SPRD.
UNAC - Union nationale des auteurs et compositeurs
Issue d'une dissidence idéologique avec le Snac, l'Unac regroupe les professionnels du texte et de la musique. Aujourd'hui, le clivage Snac/Unac a disparu et les deux organisations, complémentaires, s'épaulent sur un certain nombre de dossiers.
Sites ressources
CNM-fiches pratiques
Fiches pratiques réalisées par les centres de ressources du spectacle vivant. La fiche La note de droit d'auteur aborde les principes généraux de la rémunération, la protection sociale des artistes auteurs, et l’établissement de la note de droits d’auteur, en proposant plusieurs modèles indicatifs.
Ma source
Une plateforme d'information-ressource imaginée et réalisée par OCTOPUS, la fédération des musiques actuelles en Occitanie. Plusieurs fiches pratiques dont celle sur les droits d'auteurs et droits voisins.
L'Arcom -Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
Depuis 2022, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l'Hadopi ont fusionnés pour devenir l’Arcom. Elle veille aux responsabilités démocratiques et sociétales des médias audiovisuels et des plateformes en ligne, à garantir le pluralisme des médias audiovisuels d’information et l’indépendance de l’audiovisuel public, aux équilibres économiques du secteur et au soutien à la création. Nombreuses ressources pratiques : informations, pédagogie, législation, protection des oeuvres, etc.
SMC - Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine
Un centre de ressources en ligne : ressources juridiques (guides d'informations sur les différents aspects juridiques, administratifs et financiers de la profession), dispositifs de soutiens (résidences, aides, bourses), rapports publics sur le secteur, réseaux professionnels.
Ministère de la culture
A télécharger : Petit guide de survie - Fiches pratiques pour entreprendre des projets musicaux.